Romance de la luna / Romance de la lune, Federico García Lorca
photo: © Juan Jose Bujidos
Romance de la luna (Romancero gitano)
La luna vino a la fragua
con su polisón de nardos.
El niño la mira mira.
El niño la está mirando.
En el aire conmovido
mueve la luna sus brazos
y enseña, lúbrica y pura,
sus senos de duro estaño.
Huye luna, luna, luna.
Si vinieran los gitanos,
harían con tu corazón
collares y anillos blancos.
Niño, déjame que baile.
Cuando vengan los gitanos,
te encontrarán sobre el yunque
con los ojillos cerrados.
Huye luna, luna, luna,
que ya siento sus caballos.
Niño, déjame, no pises
mi blancor almidonado.
El jinete se acercaba
tocando el tambor del llano
Dentro de la fragua el niño,
tiene los ojos cerrados.
Por el olivar venían,
bronce y sueño, los gitanos.
Las cabezas levantadas
y los ojos entornados.
¡Cómo canta la zumaya,
ay cómo canta en el árbol!
Por el cielo va la luna
con un niño de la mano.
Dentro de la fragua lloran,
dando gritos, los gitanos.
El aire la vela, vela.
El aire la está velando.
Romance de la lune
La lune vint à la forge
dans son jupon de nards.
L'enfant la regarde, regarde,
L'enfant est là qui la regarde.
Et dans les airs commotionnés
la lune étire ses bras
et montre, lubrique et pure,
ses seins de dur étain.
Lune, lune, lune va-t-en !
Car si venaient les gitans,
ils feraient avec ton cœur
colliers et bagues d’argent.
- Enfant, laisse-moi danser,
Et lorsque viendront les gitans
Ils te trouveront sur l'enclume
avec tes petits yeux fermés.
Lune, lune, lune va-t-en !
Déjà j'entends leurs chevaux.
- Laisse-moi, enfant, ne froisse pas
ma blancheur amidonnée.
Le cavalier se rapprochait,
faisant sonner le tambour,
le grand tambour de la plaine
et, dans la forge, l'enfant
a ses petits yeux fermés.
Par les champs d'oliviers viennent
- bronze et rêve - les gitans,
la tête très haut levée
et les yeux mi-clos.
Comme chante la chouette-effraie,
comme elle hulule sur l'arbre !
A travers le ciel chemine
la lune avec un enfant
qu'elle emmène par la main.
Et dans la forge, pleurent
En criant, les gitans.
L’air la veille, la voile,
L’air l’a voilée.
Jean Ferrat chante Aragon, un bel hommage à Lorca, "le rossignol andalous"
Un jour un jour
Tout ce que l'homme fut de grand et de sublime
Sa protestation ses chants et ses héros
Au-dessus de ce corps et contre ses bourreaux
A Grenade aujourd'hui surgit devant le crime
Et cette bouche absente et Lorca qui s'est tu
Emplissant tout à coup l'univers de silence
Contre les violents tourne la violence
Dieu le fracas que fait un poète qu'on tue
[Refrain] : Un jour pourtant, un jour viendra couleur d'orange
Un jour de palme, un jour de feuillages au front
Un jour d'épaule nue où les gens s'aimeront
Un jour comme un oiseau sur la plus haute branche
Ah je désespérais de mes frères sauvages
Je voyais, je voyais l'avenir à genoux
La Bête triomphante et la pierre sur nous
Et le feu des soldats porte sur nos rivages
Quoi toujours ce serait par atroce marché
Un partage incessant que se font de la terre
Entre eux ces assassins que craignent les panthères
Et dont tremble un poignard quand leur main l'a touché
[Refrain]
Quoi toujours ce serait la guerre, la querelle
Des manières de rois et des fronts prosternés
Et l'enfant de la femme inutilement né
Les blés déchiquetés toujours des sauterelles
Quoi les bagnes toujours et la chair sous la roue
Le massacre toujours justifié d'idoles
Aux cadavres jetés ce manteau de paroles
Le bâillon pour la bouche et pour la main le clou.
[Refrain]