Caminante no hay camino / Toi qui marches, il n'existe pas de chemin, Antonio Machado
photo: © Elizabeth Robin
Caminante no hay camino [Toi qui marches, il n'existe pas de chemin]
Todo pasa y todo queda, [Tout passe et tout reste,] pero lo nuestro es pasar, [mais le propre de l'homme est de passer,] pasar haciendo caminos, [passer en faisant des chemins,] caminos sobre el mar. [des chemins sur la mer.]
Nunca perseguí la gloria, [Je n'ai jamais cherché la gloire,] ni dejar en la memoria de los hombres mi canción;[ni cherché à laisser dans la mémoire des hommes ma chanson ;] yo amo los mundos sutiles, [j'aime les mondes subtils,] ingrávidos y gentiles, [légers et aimables,] como pompas de jabón. [comme des bulles de savon.]
Me gusta verlos pintarse de sol y grana, [J'aime les voir se peindre de soleil et de rouge] volar bajo el cielo azul, temblar súbitamente y quebrarse...[voler sous le ciel bleu, trembler soudainement et se rompre...]
Nunca perseguí la gloria. [Je n'ai jamais cherché la gloire.]
Caminante, son tus huellas el camino y nada más; [Toi qui marches, ce sont tes traces qui font le chemin, rien d'autre ;] caminante, no hay camino, [toi qui marches, il n'existe pas de chemin,] se hace camino al andar. [le chemin se fait en marchant.]
Al andar se hace camino [En marchant on fait le chemin] y al volver la vista atrás [et lorsqu'on se retourne] se ve la senda que nunca [on voit le sentier que jamais] se ha de volver a pisar. [on n'empruntera à nouveau.]
Caminante no hay camino [Toi qui marches, il n'existe pas de chemin] sino estelas en la mar... [si ce n'est le sillage dans la mer...]
Hace algún tiempo en ese lugar [Il fut un temps dans ce lieu] donde hoy los bosques se visten de espinos [où aujourd'hui les bois s'habillent d'épines] se oyó la voz de un poeta gritar [on entendit la voix d'un poète crier] "Caminante no hay camino, ["Toi qui marches, il n'existe pas de chemin,] se hace camino al andar..." [le chemin se fait en marchant..."]
Golpe a golpe, verso a verso... [Coup après coup, vers après vers...]
Murió el poeta lejos del hogar. [Le poète mourut loin de chez lui.] Le cubre el polvo de un país vecino. [Il est recouvert de la poussière d'un pays voisin.] Al alejarse le vieron llorar. [En s'éloignant on le vit pleurer.] "Caminante no hay camino, [Toi qui marches, il n'existe pas de chemin,] se hace camino al andar..." [le chemin se fait en marchant...]
Golpe a golpe, verso a verso... [Coup après coup, vers après vers...]
Jean Ferrat chante Aragon, un hommage à Machado et tous les autres...
Les poètes, Louis Aragon
Je ne sais ce qui me possède
Et me pousse à dire à voix haute
Ni pour la pitié ni pour l'aide
Ni comme on avouerait ses fautes
Ce qui m'habite et qui m'obsède
Celui qui chante se torture
Quels cris en moi quel animal
Je tue ou quelle créature
Au nom du bien au nom du mal
Seuls le savent ceux qui se turent
Machado dort à Collioure
Trois pas suffirent hors d'Espagne
Que le ciel pour lui se fît lourd
Il s'assit dans cette campagne
Et ferma les yeux pour toujours
Au-dessus des eaux et des plaines
Au-dessus des toits des collines
Un plain-chant monte à gorge pleine
Est-ce vers l'étoile Hölderlin
Est-ce vers l'étoile Verlaine
Marlowe il te faut la taverne
Non pour Faust mais pour y mourir
Entre les tueurs qui te cernent
De leurs poignards et de leurs rires
A la lueur d'une lanterne
Etoiles poussières de flammes
En août qui tombez sur le sol
Tout le ciel cette nuit proclame
L'hécatombe des rossignols
Mais que sait l'univers du drame
La souffrance enfante les songes
Comme une ruche ses abeilles
L'homme crie où son fer le ronge
Et sa plaie engendre un soleil
Plus beau que les anciens mensonges
Je ne sais ce qui me possède
Et me pousse à dire à voix haute
Ni pour la pitié ni pour l'aide
Ni comme on avouerait ses fautes
Ce qui m'habite et qui m'obsède
Jean Ferrat chante Aragon "Les Poètes" , Article Elizabeth Robin